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10 bonnes raisons d’allonger le congé paternité

Par Olivier - Mis à jour le 2 février 2024
Un père tient son nourrisson qui dort entre les mains contre son torse, il profite du congé paternité pour passer du temps ensemble

EDIT DU 24/09/2020 : Emmanuel Macron a annoncé le 23/09/2020 l’allongement du congé paternité à 28 jours dont 7 jours obligatoires.

Sommaire

J’ai toujours pensé que l’allongement du congé paternité faisait consensus et que son application ne serait qu’une question de temps.

Pressées par une opinion publique favorable, de nombreuses personnalités politiques ont maintes fois exprimé leur soutien à cette mesure, de Roselyne Bachelot à Laurence Parisot, en passant par François Hollande ou Benoit Hamon. Même le candidat Macron promettait un allongement du congé paternité dans son programme de campagne.

Et puis, je suis tombé sur cette interview de Marlène Schiappa, dans laquelle la secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes ferme toute possibilité de débat sur un éventuel allongement du congé paternité d’une punchline aussi navrante que suffisante : « les hommes n’accouchent pas, je crois… »

Congé de paternité et d’accueil de l’enfant : comment ça marche ?

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est ouvert à tous les pères, s’ils sont salariés, sans condition d’ancienneté. Les employeurs doivent être avertis 1 mois avant la date du congé. Ils ne peuvent légalement s’y opposer. Le congé doit débuter dans un délai de 4 mois suivant la naissance de l’enfant, mais il peut s’achever après.

Pour bénéficier de l’indemnisation versée par la CPAM, les bénéficiaires doivent avoir travaillé au moins 150 heures au cours des 3 mois précédant le début du congé ou avoir cotisé sur un salaire au moins équivalent à 9 906,40 € au cours des 6 derniers mois précédant le début du congé.

Les indemnités journalières (IJ) sont calculées sur la base d’un salaire journalier déterminé à partir du total des 3 derniers salaires bruts perçus avant la date d’interruption du travail, divisé par 91,25 (pour les salariés mensualisés). Le montant des IJ versé peut varier de 9,29 € à 84,90 € par jour.

La durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant est fixée à 11 jours calendaires consécutifs (y compris jours fériés et week-ends).

Selon l’enquête de la Drees relayée par Le Parisien, 68 % des papas ont demandé un congé paternité en 2012. Les travailleurs précaires ou indépendants et plus généralement tous ceux qui ne peuvent pas se faire remplacer ou qui craignent pour la pérennisation de leur emploi auraient moins recours au congé paternité que les autres.

Pourquoi allonger le congé paternité ?

À bien y réfléchir, les bonnes raisons d’allonger le congé paternité ne manquent pas. Et elles concernent autant les hommes que les femmes. En voilà déjà 10.

1 | Pour permettre aux pères de prendre la mesure de leur nouvelle condition

Soyons clairs, on ne s’improvise pas papa. Ça s’apprend. Pendant 9 mois d’une grossesse vécue par procuration, les hommes ont tout le temps de se construire une représentation fantasmée de leur futur rôle de daron. Mais lorsque, le jour de la naissance, il la confronte à la réalité, le résultat peut faire l’effet d’une grosse claque. Bref, pour prendre la mesure de sa nouvelle condition et faire le deuil de son ancienne vie, il faut un peu de temps. Plus de 11 jours en tout cas !

2 | Pour donner aux pères l’occasion de nouer des liens avec leurs enfants

C’est l’objectif ultime du congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Problème : 11 jours sont-ils réellement suffisants pour accueillir un bébé convenablement et commencer à tisser cette relation qu’on espère tous la plus intime possible ? C’est le temps qui permettra à un père et à son enfant de faire connaissance, de se ressentir l’un l’autre, de se dompter et de se faire confiance. Parce qu’on en dira ce qu’on voudra, mais la paternité ne se décrète pas, elle se vit. Profondément. Intensément.

3 | Pour permettre aux femmes de reprendre le dessus physiquement et psychologiquement

Si les accouchements se passent globalement bien en France, les douleurs physiques et psychologiques vécues par certaines femmes sont souvent passées sous silence. Sans doute parce que, dans notre inconscient collectif, donner la vie est la chose la plus conne du monde et que les femmes sont faites pour ça. Et si ces stéréotypes sont insupportables à entendre pour les femmes, ils le sont aussi pour tous ces hommes qui les aiment profondément et ne supportent plus de les voir souffrir lorsqu’ils quittent la maison pour retourner travailler. Bref, si le congé paternité permet avant tout d’accueillir un enfant, il permet aussi de soutenir sa compagne.

4 | Pour offrir aux couples l’occasion de dessiner les contours de leur nouveau modèle familial

Si la naissance d’un enfant est parfois vécue par certains parents comme un bouleversement individuel fort, l’arrivée de bébé peut aussi faire bouger les lignes des relations interpersonnelles. D’une vie à deux, il faut ainsi passer à une vie de famille. Le virage peut paraître simple à aborder d’un point de vue théorique, mais il n’en est rien. Ces changements sont souvent vécus violemment par les jeunes couples, parfois jusqu’à la séparation. Parce qu’on ne leur laisse pas assez de temps pour construire les fondations de leur nouvelle vie à trois.

5 | Pour réduire les inégalités professionnelles entre hommes et femmes

Si les femmes pâtissent d’inégalités professionnelles, c’est notamment parce que nombre d’employeurs considèrent qu’elles ne sont pas aussi fiables que leurs pendants masculins. Marlène Schiappa et les patrons sont au moins d’accord sur un point : « les hommes n’accouchent pas, eux », ils sont donc disponibles pour travailler. Un rapprochement de la durée du congé paternité sur celle du congé maternité contribuerait à atténuer les inégalités liées aux conséquences d’une interruption de carrière à la naissance d’un enfant. Du coup, l’économiste Hélène Périvier plaide carrément pour allonger et rendre obligatoire le congé paternité, de sorte que les employés n’aient plus à subir les pressions d’une hiérarchie qui ne souhaiterait pas les laisser s’absenter.

6 | Pour réduire les inégalités dans la réalisation des tâches parentales

On ne va pas se voiler la face : les hommes se contenteraient de jouer les seconds dans la réalisation des tâches parentales. En 2010, 65 % d’entre elles seraient réalisées par des femmes. En même temps, les quelques jours offerts par le congé paternité ne laissent que peu d’occasions aux pères de participer à la réorganisation de la vie de famille, à l’accueil et aux soins de bébé. Fatalement, ils se positionneraient donc en aidant, convaincus de leur incapacité à prendre des initiatives par cet inconscient collectif qui leur rappelle sans cesse qu’ils n’ont pas été programmés pour gérer la vie de famille.

7 | Parce que les femmes ne doivent pas être systématiquement assignées aux soins de bébé

Dans notre imaginaire collectif, la femme est d’abord une mère. Et tout est fait pour la surresponsabiliser, comme si elle incarnait la référente – le parent par défaut – et le père le second. La différence de durée entre le congé paternité et le congé maternité en constitue la plus belle preuve. Pour impliquer les pères et permettre aux mères de s’extraire de cette condition qui les étouffe parfois, traitons-les avec équité face à leurs responsabilités parentales. Après tout, si les femmes doivent mettre leur vie entre parenthèses pendant 10 semaines à la naissance d’un enfant, pourquoi les hommes ne feraient-ils pas la même chose ?

8 | Pour reconnaître la capacité des hommes à prendre soin d’un bébé

C’est le genre de portes que l’on croit ouvertes, mais qui ne le sont pas tant que ça. Je suis atterré par le nombre de commentaires reçus sur Facebook après ce billet, expliquant en substance que les hommes sont des tanches incapables de s’occuper d’un bébé et qu’un allongement du congé paternité ne leur offrirait tout au plus que l’occasion d’aller boire des bières avec leurs potes plus souvent. Venant de femmes victimes de stéréotypes sexistes quotidiennement, ces réactions laissent songeur. Mesdames, nombre d’hommes savent parfaitement se débrouiller avec un bébé, sans vous. Et ils peuvent aussi apprendre. De là à affirmer que vous n’êtes pas si indispensables que ça, il n’y a qu’un pas.

9 | Pour permettre aux pères d’investir pleinement l’organisation familiale

Un congé paternité, c’est l’occasion de découvrir des moments aussi importants que les changes, les repas, les toilettes, les promenades, les siestes, les petits bobos… autant d’expériences qu’il est indispensable de vivre pour se sentir devenir parents. Laissons-le temps aux pères de trouver leurs marques, de construire leurs routines, d’affronter les premières difficultés et de se nourrir de moments aussi précieux qu’intimes. De quoi faciliter ensuite la reprise d’une activité professionnelle par des mères plus rassurées émotionnellement.

10 | Pour changer une bonne fois pour toutes un modèle sociétal dans lequel plus personne ne se reconnait

Maman à la maison à s’occuper des enfants pendant que Papa part chasser le yak dans la forêt travailler. Hérité du siècle dernier, ce modèle sociétal ne convient plus ni aux femmes ni aux hommes. C’est en rééquilibrant l’implication des uns et des autres au sein de la cellule familiale que nous contribuerons à rendre hommes et femmes plus égaux. C’est aussi de cette façon que nous leur permettrons de vivre leurs nouvelles aspirations, pour davantage d’épanouissement personnel. Et il revient au gouvernement d’acter une bonne fois pour toutes ces changements.

Vous souhaitez un allongement du congé paternité ? L’opération médiatique réunissant quelques personnalités opportunément lancée par le magazine Causette il y a quelques semaines ne doit pas faire oublier la grande mobilisation populaire qui a déjà rassemblé plus de 60 000 hommes et femmes. Une pétition circule déjà depuis plusieurs mois. Vous pouvez la signer ici.

Soyons clairs, je considère pour ma part que la question de l’allongement du congé paternité n’est plus à débattre. Parce que la mesure est un levier majeur vers plus d’égalité entre femmes et hommes, une cause érigée en priorité par notre gouvernement.

J’accuse en revanche tous ceux qui se cachent derrière des arguments budgétaires, calendaires ou organisationnels pour repousser la mise en place d’un allongement du congé paternité de chercher sciemment à tuer dans l’œuf toute mesure concrète en faveur d’une plus grande égalité entre femmes et hommes.

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